Féminisme & Communisme

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Conférence pour un travail décent pour les femmes

Conférence pour un travail décent pour les femmes

le 28 mai 2015

"Mesdames, Messieurs,
Chers amis, chers camarades,

Je voudrais commencer par remercier le département des femmes de Syriza pour avoir préparé cette conférence et vous adresser à toutes le salut fraternel du Parti communiste français, de Pierre Laurent, Secrétaire national du PCF et Président du Parti de la gauche européenne, et du secteur féministe du PCF.

Je tiens à saluer la qualité des interventions de ce matin - qui sera indubitablement confirmée par celles de l'après-midi - et la présence de Dimitris Stratoulis, Ministre de la sécurité sociale et de Fotini Kouvela, la déléguée générale à l'égalité femmes-hommes. "

 

"Permettez moi de témoigner de notre solidarité indéfectible avec le peuple grec, en particulier les femmes grecques, parmi les premières victimes de l'offensive néolibérale menée en Europe depuis le début de la crise financière de 2008. 

 

Nous allons continuer notre travail, en France, pour le respect du choix du peuple grec, exprimé démocratiquement en janvier, et pour soutenir le gouvernement grec qui tient bon face aux pressions des institutions européennes, de ses partenaires européens, des organismes non contrôlés démocratiquement comme la Banque centrale européenne, des créanciers etc. 

 

L'Eurogroup de Riga, qui a eu lieu hier, a encore démontré l'intensité du bras de fer qui s'est engagé. 

 

Dans ce bras de fer, la force des mobilisations populaires sera déterminante, et il y a un véritable intérêt immédiat des femmes à entrer dans la bataille puisque nos adversaires cherchent à faire plier le gouvernement grec sur le retour des conventions collectives et veulent une augmentation de l'âge de départ en retraite. Nous savons combien ces droits sont cruciaux pour la condition des femmes. 

 

Ce n'est pas seulement une affaire de solidarité avec les femmes grecques, c'est une question d'intérêt commun des européennes et des européens. 

 

La France est elle aussi sous une forte pression de la commission européenne qui presse pour « accélérer les réformes ». 

 

Le programme de réformes présenté par nos ministres prévoit un plan d'austérité de 4 milliards d'Euros et une nouvelle loi de déréglementation du droit du travail. Wolfgang Schaüble, le tristement célèbre ministre des finances allemand, a déclaré à Washington que la France serait « contente que quelqu’un force le Parlement à voter de dures réformes ».

Il propose carrément la venue de la Troïka en France. 

 

***

 

Je voudrais partager avec vous quelques points de repères sur la situation des femmes en France. Mon pays n'échappe pas aux phénomènes structurels décrits ce matin sur la place des femmes au travail, qui allient ce savant mélange capitaliste et patriarcal. 

 

L'emploi des femmes est majoritairement cantonné dans 10 familles professionnelles : agents d'entretiens (72,1 %), enseignantes (64,9 %), vendeuses (75,8 %), employées adm. fonction publique (72,9 %), secrétaires (97,9 %), aides soignantes (92,5 %), employées adm. d'entreprise (78,9 %), infirmières et sages-femmes (88,9 %), aides à domicile et aides ménagères (98 %). C'est à dire, là où les salaires sont les plus bas, les possibilités de carrières et d'évolutions professionnelles plus réduites.

 

Les inégalités salariales sont importantes : tout temps de travail confondu, les femmes touchent 27 % de moins que les hommes. Les différences de temps de travail sont un facteur explicatif des inégalités. L'écart à poste et expérience équivalents est de 9 % . Cet écart est de la discrimination "pure" pratiquée par les employeurs.

Le niveau de retraite des femmes et de 53 % inférieur à celui des hommes.

 

Face au chômage, après une période de rapprochement, les écarts femmes-hommes se creusent à nouveau : 30 % des femmes entrées depuis 7 ans dans le monde du travail et qui ont plusieurs enfants sont inactives ou au chômage. La précarité augmente : 80 % des temps partiels sont occupés par des femmes.

 

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Depuis trente ans, avec la mise en oeuvre des politiques néolibérales, les régressions pour les droits des femmes se sont multipliées. Il y a eu une accélération sous Sarkozy. Hollande quant à lui se rallie sans faire de vague à la vision de Merkel.

 

Les femmes de France font aujourd'hui face à une triple offensive. 

 

Une offensive contre le travail avec une succession de lois qui déréglementent le droit du travail augmentant chômage et précarité. La dernière en date est la Loi Macron, la loi de notre "ministre de la finance", une loi fourre-tout qui ressemble aux memoranda de 300 pages qui arrivaient en Grèce via la Troïka. La loi Macron fait 160 articles déréglementant le code du travail, cassant le service public du transport, privatisant les aéroports et les barrages publics, élargissant le travail du dimanche.

 

Une offensive contre les services publics et la protection sociale alors que le système social français hérité du Conseil national de la résistance a été au cœur des conquêtes pour les femmes. Par exemple, le système de crèches publiques permet encore aujourd'hui un taux de retour à l'emploi des femmes plus élevé que la moyenne européenne. Je suis convaincue que la première des luttes féministes urgentes est la lutte contre l'austérité. La ministre française de la santé vient d'annoncer 22 000 suppressions de postes sur 3 ans, dans l'hôpital public. Cela veut dire de nouvelles fermetures de services et d'hôpitaux entiers. En France 130 centres IVG ont été fermés dans les 10 dernières années.

La santé des femmes est en danger. C'est la même logique de destruction qui agit dans tous les services publics : tout ce qui libérait du temps et des tâches aux femmes est attaqué. Et cette situation les ramènent à la maison et les exclue progressivement du travail. Cela les exclue d'autant plus du travail que les emplois publics sont très féminisés. Donc lorsque l'on fait des coupes budgétaires, les emplois détruits sont des emplois de femmes. Et l'austérité, c'est aussi la baisse des aides sociales pour les plus fragiles et le basculement de milliers de femmes dans la misère.

 

Une offensive idéologique conservatrice qui prend de l'ampleur avec une droite qui se radicalise et un Front National, parti d'extrême droite, très haut et dans une dynamique ascendante. L'essentiel de cette offensive s'appuie sur un discours réactionnaire sur la famille pour remettre en cause le droit des femmes à disposer de leur corps et choisir leur maternité. Le discours s'est sophistiqué, il est plus pervers : Marine Le Pen, raconte par exemplen que l'avortement est utilisé par les femmes comme un « moyen de contraception », autrement dit, le résultat d'un comportement irresponsable des femmes et non une décision difficile et un acte médical aux conséquences multiples sur le corps et la psychologie de la personne.

 

***

 

Face à cette situation, le PCF s'emploie à produire des analyses et des documents d'information pour l'éducation aux droits, notamment à travers Féminisme & Communisme (le bulletin de la Commission Droits des Femmes du PCF) et d'initiatives comme la Semaine du Féminisme. Nous travaillons au renforcement des mobilisations unitaires pour les droits des femmes, autour de la Marche Mondiale, du 8 mars, des initiatives prises à l'occasion des 40 ans du droit à l'avortement, en y apportant notre marque de fabrique : l'articulation entre la lutte pour dépasser le patriarcat et la lutte pour dépasser le capitalisme.

 

Nous nous engageons également dans un soutien actif aux luttes des femmes. Je suis communiste parisienne. Ces derniers mois les luttes des femmes les plus exploitées se sont développées: femmes de ménage des grands hôtels, travailleuses sans papier abusées par de véritables mafias, les damnées de Paris ont remporté des victoires. Ce fût le cas des coiffeuses du 57 boulevard Strasbourg qui ont occupé pendant 9 mois, et sous des menaces de mort des mafieux, le salon de coiffure où elles trimaient, payées entre 200 et 400 euros quand elles étaient payées, et exerçaient avec des produits ultra-chimiques dans des locaux sans aération. Grâce à une forte mobilisation syndicale, politique (les camarades venaient dormir au salon), du monde de la culture, elles viennent d'obtenir des papiers, condition sine qua non à une vie plus stable. C'est une victoire qui va donner du souffle pour les luttes à venir. 

 

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Avant de conclure, je voudrais plaider ici pour un renforcement significatif de notre travail commun.

 

La crise et l'Europe de demain ont besoin de solutions féministes. Nous devons prendre notre part à l'élaboration d'un projet pour une Europe nouvelle. Je crois que nos campagnes du Parti de la gauche européenne sont un bon outil. Je crois aussi que nous avons aujourd'hui bien avancé vers des propositions concrètes à porter ensemble pour un travail décent pour les femmes. Par exemple : la « clause de l'européenne la plus favorisée » comme méthode de convergence des droits par le haut et le développement de coopérations européennes dans la lutte contre le travail dissimulé.

L'apport féministe dans la construction d'un grand mouvement contre l'austérité à l'échelle européenne est indispensable et sera déterminant pour que nous gagnions le bras de fer avec le monde de la finance et les tenants des politiques libérales. Les présidents du Parti de la gauche européenne ont lancé l'idée d'une alliance contre l'austérité (AAA, comme le triple A des agences de notation) et nous devrions réfléchir à la fois à notre apport à cette démarche et à ce qu'elle peut nous apporter pour rassembler les femmes européennes sur des objectifs féministes.

 

Je voudrais vous inviter à un événement européen qui permettra de commencer à répondre à ces deux objectifs : le Forum européen des alternatives qui se tiendra à Paris les 30 et 31 mai prochains, place de la République. Le Forum articulera moments de plénières, une trentaine d'ateliers et moment festifs et culturels avec un grand concert intitulé « Peuples debout » le samedi soir. Outre deux ateliers spécifiques sur la question des droits des femmes, qui feront interagir femmes politiques, du mouvement social, syndicalistes, femmes en luttes, la présence de nombreuse féministes dans les 6 blocs thématiques proposés serait plus qu'appréciable. Nous avons notre mot à dire sur tout !

 

Mesdames, Messieurs, vous l'aurez compris, ce que je vous propose c'est de passer à l'offensive pour ouvrir une nouvelle période de conquêtes pour les droits des femmes en Europe.

 

Je vous remercie de votre attention."

 

Anne SABOURIN

Membre du bureau exécutif du Parti de la gauche européenne

Parti communiste français